Résumés des arrêts : EDL (Motif de refus fondé sur la maladie)

Summaries of judgments made in collaboration with the Portuguese judge and référendaire of the CJEU (Nuno Piçarra and Sophie Perez)

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Arrêt du 18 avril 2023, EDL (Motif de refus fondé sur la maladie), affaire C‑699/21, UE:C:2023:295

Renvoi préjudiciel – Coopération judiciaire en matière pénale – Mandat d’arrêt européen – Décision-cadre 2002/584/JAI – Article 1er, paragraphe 3 – Article 23, paragraphe 4 – Procédures de remise entre États membres – Motifs de non-exécution – Article 4, paragraphe 3, TUE – Obligation de coopération loyale – Report de l’exécution du mandat d’arrêt européen – Article 4 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne – Interdiction des traitements inhumains ou dégradants – Gravité , maladie chronique et potentiellement irréversible – risque d’atteinte grave à la santé de la personne concernée par le mandat d’arrêt européen

fait

Le 9 septembre 2019, le Općinski sud u Zadru (tribunal municipal de Zadar, Croatie) a émis un mandat d’arrêt européen (MAE) contre EDL, qui réside en Italie, aux fins de mener des poursuites pénales en Croatie.

le Corte d’Appello de Milan (Cour d’appel de Milan, Italie), l’autorité judiciaire compétente pour exécuter ce MAE, a exigé que l’EDL soit évalué par un psychiatre. Le rapport d’expertise révèle, entre autres, l’existence d’un trouble psychotique nécessitant un traitement médicamenteux et une psychothérapie, et identifie un risque important de suicide en cas d’incarcération. Sur la base de ce rapport d’expertise, le Corte d’Appello de Milan a jugé, en premier lieu, que l’exécution du MAE interromprait le traitement d’EDL et entraînerait une détérioration de son état de santé général, dont les effets pourraient être exceptionnellement graves. Deuxièmement, cette juridiction a constaté que les dispositions nationales pertinentes transposant la décision-cadre 2002/584 ne prévoient pas que de telles raisons de santé puissent constituer un motif de refus de remise dans le cadre d’une procédure d’exécution d’un MAE. le Corte d’Appello de Milan a demandé le Cour constitutionnelle (Cour constitutionnelle, Italie) sur la constitutionnalité de ces dispositions.

Étant donné que la situation de menace grave pour la santé de la personne recherchée en raison de maladies chroniques d’une durée potentiellement indéterminée ne figure pas parmi les motifs de non-exécution d’un mandat d’arrêt européen, la Cour constitutionnelle ne sait pas s’il serait possible de remédier à ce risque en ajournant la remise de cette personne sur le fondement de l’article 23, paragraphe 4, de la décision-cadre 2002/584.

Conclusions de la CJUE

La CJUE rappelle que le principe de confiance mutuelle entre les États membres et le principe de reconnaissance mutuelle, qui constituent la « pierre angulaire » de la coopération judiciaire en matière pénale, revêtent une importance fondamentale dans le droit de l’Union et, plus précisément, que «le principe de confiance mutuelle impose, notamment en ce qui concerne l’espace de liberté, de sécurité et de justice, chacun de ces États, sauf circonstances exceptionnelles, de considérer que tous les autres États membres respectent le droit de l’Union et notamment les droits fondamentaux reconnus par le droit de l’Union”.

En ce qui concerne la décision-cadre 2002/584, la CJUE rappelle que les autorités judiciaires d’exécution ne peuvent refuser d’exécuter un MAE que pour des motifs découlant de cette décision-cadre, telle qu’interprétée par la Cour, et que, si l’exécution du MAE constitue la règle, le refus d’exécution est destiné à être une exception qui doit être interprétée strictement. La CJUE observe que la décision-cadre 2002/584 ne prévoit pas que les autorités judiciaires d’exécution peuvent refuser d’exécuter un mandat d’arrêt européen au seul motif que la personne recherchée souffre de maladies graves, chroniques et potentiellement irréversibles. Eu égard au principe de confiance mutuelle, la CJUE souligne que «Il existe une présomption que les soins et traitements dispensés dans les États membres pour la prise en charge, entre autres, de telles maladies seront adéquats, que ce soit en milieu carcéral ou dans le cadre de dispositifs alternatifs de mise à disposition de cette personne auprès des autorités judiciaires de l’État membre d’émission”.

Toutefois, il ressort de l’article 23, paragraphe 4, de la décision-cadre 2002/584 que, dans des circonstances exceptionnelles, tenant notamment à la mise en danger manifeste de la vie ou de la santé de la personne recherchée, la remise peut être temporairement différée. La CJUE conclut donc que «l’autorité judiciaire d’exécution est autorisée à surseoir temporairement à la remise de la personne recherchée, à condition qu’il existe des raisons sérieuses de croire, sur la base d’éléments objectifs, tels que des certificats médicaux ou des rapports d’expertise, que l’exécution du mandat d’arrêt risque manifestement de mettre en danger la santé de cette personne, par exemple en raison d’une maladie ou d’un état temporaire de cette personne existant avant la date à laquelle elle doit être remise”. Ce pouvoir d’appréciation doit être exercé conformément, notamment, à l’article 4 de la Charte.

Il s’ensuit que « dans une situation où l’autorité judiciaire d’exécution dispose, au vu des éléments objectifs dont elle dispose, de motifs sérieux et établis de croire que la remise de la personne recherchée, gravement malade, l’exposerait à un risque réel de réduction significative de son espérance de vie ou de détérioration rapide, significative et irréversible de son état de santé, cette autorité est tenue, conformément à l’article 4 de la Charte, d’exercer le pouvoir prévu à l’article 23, paragraphe 4, de la décision-cadre 2002/584 en décidant de surseoir à la reddition”. Dans de telles situations, la CJUE souligne l’importance du devoir de coopération loyale, prévu à l’article 4, paragraphe 3, premier alinéa, du TUE, car il doit éclairer le dialogue entre les autorités judiciaires d’exécution et d’émission.

En conséquence, la CJCE interprète les articles 1(3) et 23(4) de la décision-cadre 2002/584, lus à la lumière de l’article 4 de la Charte, comme signifiant que :

« – lorsqu’il existe des motifs sérieux de croire que la remise d’une personne recherchée en exécution d’un mandat d’arrêt européen risque manifestement de mettre en danger sa santé, l’autorité judiciaire d’exécution peut, à titre exceptionnel, surseoir provisoirement à cette remise ;

  • lorsque l’autorité judiciaire d’exécution appelée à se prononcer sur la remise d’une personne recherchée gravement malade en exécution d’un mandat d’arrêt européen conclut qu’il existe des motifs sérieux et établis de croire que cette remise exposerait cette personne à un risque réel de réduction significative de son espérance de vie ou d’une détérioration rapide, significative et irréversible de son état de santé, elle doit surseoir à cette remise et demander à l’autorité judiciaire d’émission de fournir toutes informations relatives aux conditions dans lesquelles elle entend poursuivre ou détenir cette personne et à la possibilité d’adapter ces conditions à son état de santé afin d’éviter qu’un tel risque ne se matérialise ;
  • si, au vu des informations fournies par l’autorité judiciaire d’émission et de toutes les autres informations dont dispose l’autorité judiciaire d’exécution, il apparaît que ce risque ne peut être écarté dans un délai raisonnable, l’autorité judiciaire d’exécution doit refuser d’exécuter le mandat d’arrêt européen. En revanche, si ce risque peut être exclu dans un tel délai, une nouvelle date de remise doit être convenue avec l’autorité judiciaire d’émission.

Arrêt du 11 mai 2023, TAP Portugal (Décès du copilote), Affaires jointes C‑156/22 a C‑158/22, EU:C:2023:393

Renvois préjudiciels – Transport aérien – Règlement (CE) n° 261/2004 – Indemnisation des passagers aériens en cas d’annulation de vols – Article 5, paragraphe 3 – Exemption de l’obligation d’indemnisation – Notion de ‘circonstances extraordinaires’ – Absence imprévue, pour cause de maladie ou de décès, d’un membre d’équipage dont la présence est indispensable au déroulement du vol

fait

Le 17 juillet 2019, TAP devait opérer un vol de Stuttgart (Allemagne) à Lisbonne (Portugal), avec un départ prévu à 6h05. Le même jour, le copilote qui s’occupait d’opérer le vol est retrouvé mort. Choqué par cet événement, tout l’équipage se déclare inapte à voler. Comme aucun personnel de remplacement n’était disponible, le vol 6.05 a été annulé. Les passagers ont donc été transportés à Lisbonne sur un vol de remplacement prévu à 16h40.

La TAP a refusé de verser l’indemnité prévue à l’article 7, paragraphe 1, du règlement no 261/2004, faisant valoir que le décès inopiné du copilote constituait une circonstance extraordinaire au sens de l’article 5, paragraphe 3, dudit règlement.

En appel, le Tribunal de district de Stuttgart (Tribunal régional de Stuttgart, Allemagne) a décidé de surseoir à statuer et de saisir la CJCE pour une décision préjudicielle. La juridiction de renvoi a demandé si l’article 5, paragraphe 3, du règlement no 261/2004 doit être interprété en ce sens que l’absence imprévue, pour cause de maladie ou de décès, d’un membre d’équipage dont la présence est indispensable au déroulement d’un vol, survenue peu avant le départ prévu de ce vol, relève de la notion de « circonstances extraordinaires », au sens de cette disposition.

Conclusions de la CJUE

La CJUE rappelle sa jurisprudence selon laquelle la notion de « circonstances extraordinaires », au sens de l’article 5, paragraphe 3, du règlement n° 261/2004, se réfère à «événements qui, par leur nature ou leur origine, ne sont pas inhérents à l’exercice normal de l’activité du transporteur aérien concerné et échappent au contrôle effectif de ce transporteur», ces deux conditions étant cumulatives.

Selon la CJCE, les mesures relatives au personnel du transporteur aérien effectif, telles que les mesures relatives à la planification des équipages et aux horaires de travail du personnel, relèvent de l’exercice normal des activités de ce transporteur. Ainsi, les transporteurs aériens effectifs peuvent, de plein droit, être confrontés, dans l’exercice de leur activité, à l’absence inopinée, pour cause de maladie ou de décès, d’un ou plusieurs membres du personnel dont la présence est indispensable à l’exploitation d’un vol, y compris peu de temps avant le départ de ce vol. Dès lors, la gestion d’une telle absence reste intrinsèquement liée à la question de la planification des équipages et des horaires de travail du personnel, de sorte qu’un tel imprévu est inhérent à l’exercice normal de l’activité du transporteur aérien effectif. A cet égard, la CJUE souligne que «c’est l’absence même, pour cause de maladie ou de décès, d’un ou plusieurs membres de l’équipage, même si elle était imprévue, et non la cause médicale précise de cette absence qui constitue un événement inhérent à l’exercice normal de l’activité de ce transporteur, de sorte que le transporteur doit s’attendre à la survenance de tels aléas dans le cadre de la planification de ses équipages et des horaires de travail de son personnel”.

La première des deux conditions cumulatives visées ci-dessus n’étant pas remplie, il n’est pas nécessaire de vérifier si la seconde de ces conditions a été remplie.

En conséquence, la CJCE interprète l’article 5, paragraphe 3, du règlement n° 261/2004 comme signifiant que «l’absence imprévue – pour cause de maladie ou de décès d’un membre d’équipage dont la présence est indispensable à l’exécution d’un vol – survenue peu avant le départ prévu de ce vol, ne relève pas de la notion de «circonstances extraordinaires» au sens de cette disposition”.

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