Nous allons tout vous révéler sur ce post qui vient de paraître, dont la thématique est «la justice».
Le titre saisissant (À l’âge de 79 ans, cet avocat à la retraite décroche son CAP de menuisier) est parlant.
L’éditorialiste (présenté sous la signature d’anonymat
) est connu et fiable.
Vous pouvez donc faire confiance aux infos qu’il diffuse.
La date d’édition est 2022-08-27 11:10:00.
L’article dont il s’agit :
Publié le
D’une humilité déconcertante, Alain Geisz ne boude pourtant pas son plaisir d’annoncer qu’à 79 ans, il vient de décrocher son deuxième CAP !
Diplômé d’un DESS de Droit civil, cet Ornais d’adoption, né en janvier 1943, a déroulé toute sa carrière au barreau d’Alençon (Orne) dont il fut l’un des bâtonniers.
Premier diplôme en 1968
Pour exercer, il avait dû obtenir le Certificat d’Aptitude à la Profession d’avocat : « mon premier CAP », confie-t-il, le regard malicieux derrière ses lunettes sans monture. C’était en 1968.
En 1972, le jeune avocat avait intégré le barreau d’Alençon. « C’était à l’époque où il y avait encore les avoués, des auxiliaires de justice. Les avocats n’avaient alors qu’à plaider », se remémore l’avocat honoraire qui a fait valoir ses droits à la retraite en 2014, après quelque milliers de dossiers traités.
Le besoin de travailler de ses mains
Depuis, celui qui se qualifie de « multi-actif » s’adonne à ses loisirs : le tir (il est licencié de l’Association de tir civil et de la police d’Alençon (ATCPA) depuis 2008), mais aussi l’ébénisterie.
J’ai toujours travaillé le bois. C’est une tradition dans la famille de travailler de ses mains. On en ressent le besoin ! Mon père était chirurgien et quand il n’opérait pas, il travaillait le fer forgé.
Lorsqu’il n’occupait ni son cabinet ni le prétoire, Alain Geisz troquait donc sa robe d’avocat pour sa salopette d’ébéniste amateur.
« Je restaurais des tables, je fabriquais des petits meubles », ajoute-t-il en montrant ici une chaise, là un coffret de peintures pour son épouse Brigitte, tout aussi habile de ses mains pour la broderie et la peinture sur porcelaine.
C’est d’ailleurs Brigitte qui déclenche la reprise d’études d’Alain Geisz. « Au tir, Sylvain Milcent, un de mes amis, est formateur au centre de formation des apprentis d’Alençon. Il a fait l’école Boule et est spécialisé dans la marqueterie. Il m’avait invité aux portes ouvertes du CFA. »
Pas de limite d’âge !
En juin 2019, Alain Geisz s’y rend « pour voir ». Et en ressort sous le charme. « C’était très intéressant ».
Pour autant, il en reste là. « Ma femme y est retournée et a demandé s’il y avait une limite d’âge pour s’inscrire au CFA. On lui a été répondu que non. Elle a alors demandé à m’inscrire ! », en rit encore Alain Geisz, qui a effectué sa rentrée en septembre suivant.
« Évidemment, à mon âge, j’ai été dispensé de trouver une entreprise », plaisante-t-il. Il était inscrit en « étudiant libre » et n’assistait qu’aux cours pratiques dans les ateliers. Ce qui lui a valu de financer sa formation. Il tait le coût de cette dernière, mais signale que « c’est de la rémunération à l’heure ».
Comme il a cotisé au droit de formation pendant 46 ans, il a, à l’heure de sa retraite, « récupéré un petit pactole ».
Ce budget dédié à son CAP a donc aussi participé à sa motivation : « Je me devais de réussir mon examen au titre de retour sur investissement ! »
« Apprend-on encore à mon âge ? »
Mais sa réelle soif d’apprendre est le premier élément déclencheur de son engagement.
Cela a toujours été ma philosophie : j’ai toujours appris toute ma vie. Parce qu’évidemment, je ne sais pas tout ! Et j’étais très intrigué de savoir si, à mon âge, on pouvait encore apprendre.
Pour s’en convaincre, Alain Geisz a donc relevé le défi « de passer un CAP ».
Sa cotte en jean ajustée sur les épaules, ses chaussures de sécurité aux pieds et son « cartable » rempli « d’une scie, d’un rabot, d’un ciseau à bois, d’une équerre et de quoi dessiner », l’apprenti menuisier a ainsi patiemment appris « à scier, poncer, découper, coller », mais aussi « débiter, dégauchir et raboter » le bois pour donner vie, d’abord à un maillet, puis à une petite table, une petite commode et enfin un plus grand meuble télé. « C’était nos exercices ! », signale-t-il.
Il détaille : « Contrairement à mes heures de loisirs consacrées à la restauration, là, j’ai découvert la production. J’ai appris à travailler sur de grosses machines qu’il faut souvent utiliser à deux pour des raisons de sécurité. Mais ce qui était assez difficile pour moi, c’était de rester sept heures debout. Physiquement, c’est un métier très dur. »
Et qui nécessite une grande rigueur. « On travaille au 10e de millimètre. Plus le trait sur la planche de bois est fin, plus on est précis. Il faut être très exigeant dans ce métier, il n’y a pas de place à l’à peu près. Et si ça ne convient pas, on recommence ! »
« Il se risquaient parfois à me demander mon âge »
Il dit avoir été « très bien accueilli par les professeurs » et « très aidé » par ses jeunes camarades. « Ils m’encourageaient et quand mes pièces n’étaient pas terminées dans les temps, ils me donnaient un coup de main. »
De ce retour sur les bancs de l’école à 79 ans, Alain Geisz conserve d’ailleurs quelques anecdotes.
Dans la file de la cantine, certains élèves m’ont pris pour un prof et voulaient me laisser passer devant ! Quand je leur disais que j’étais élève, ils se risquaient parfois à me demander mon âge. Grâce à mon âge justement, certaines fois, j’ai aussi été autorisé à prendre la pause café dans la salle des professeurs.
Il a aussi découvert le surnom des apprentis. « On entend souvent : ‘Viens là mon lapin !’ Mais en réalité, ce sont les compagnons que l’on nomme les lapins ! »
Il retient également que « dans l’établissement, tout le monde est poli et se dit bonjour ».
Un moment de panique
En juin 2022, il s’est présenté à l’examen, avec un autre camarade étudiant libre, au lycée Laplace de Caen (Calvados).
Pour une épreuve sur la sécurité et l’environnement, une épreuve de technologie « qui consiste à faire des plans et des schémas », et deux journées d’épreuve pratique « de sept heures chacune, avec une pause déjeuner de trois-quarts d’heure ».
Un rythme soutenu qui lui fait dire que « ce n’était pas une sinécure ! »
J’ai failli partir pendant les examens. J’ai eu un moment de panique en pensant que je n’allais pas y arriver.
« Les apprentis sont tout aussi méritants que les bacheliers »
Alain Geisz se fait un ardent défenseur des apprentis et travailleurs manuels. « Depuis toujours », insiste-t-il. « Notamment parce que j’en ai rencontré beaucoup lorsque j’étais avocat ».
Mais sûrement davantage encore depuis qu’il a effectué son apprentissage. « En même temps, faire un distinguo entre travail manuel et travail intellectuel est une absurdité. Le travail manuel est une suite de travaux intellectuels. La menuiserie, par exemple, nécessite plus de rigueur que celle demandée dans l’enseignement général et ils doivent travailler dans un temps limité. »
Et l’apprenti fraîchement diplômé de conclure : « Tous ceux qui obtiennent un CAP sont tout aussi méritants que tous ceux qui obtiennent leur Bac ! »
Sa meilleure moyenne
En juillet, après quelques nuits blanches, c’est fébrile qu’Alain Geisz s’est connecté sur internet pour avoir les résultats.
« Ceux des CAP sont publiés les derniers, après ceux du Bac et tous les autres. Ce n’est pas normal ! », peste-t-il.
Verdict : reçu avec 14,43 de moyenne générale. « C’est la meilleure que je n’ai jamais eue jusqu’alors ! », s’exclame-t-il dans un éclat de rire avant de confirmer que oui, on peut apprendre à tout âge.
Mais ma difficulté, c’est que j’oublie vite désormais. Il me faut donc répéter et pratiquer sans cesse.
Ce qu’il s’applique à faire au quotidien dans le bel atelier de son domicile d’Héloup, aux portes d’Alençon. Et sans stress, cette fois.
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